moment détente entre sœurs (Olivia)

On ne va pas se mentir, depuis le réveil d'Arya, les moments passés ensembles étaient un peu étranges. On y avait tellement pensé pendant ces années de coma : on les avait joués en boucle dans notre esprit, dans l'espoir qu'ils se réalisent, et maintenant qu'on y était ils étaient emprunts d'un sentiment étrange, d'inconnu et de familiarité. On redécouvrait quelqu'un qu'on avait connu toute notre vie, en soi. Ce qui n'était sans doute rien par rapport à ce que devait ressentir Arya. Ces dernières années, qui nous avaient paru si longues, pour elle s'étaient évaporées et elle avait rouvert les yeux sur un monde complètement nouveau. Alors qu'Arya était restée en suspens, nous avions tous changé autour d'elle, sans forcément réaliser à quel point.

Aujourd'hui, nous prenions le temps de nous redécouvrir toutes les deux, un moment en tête à tête quelque peu inhabituel mais qui nous ferait le plus grand bien. Surtout Arya qui avait dû revenir vivre à la maison, et qui devait sans doute rêver de quelques heures loin des parents. La cachottière m'avait fait la surprise de réserver un spa, et après de rapides remontrances sur ses finances - qu'elle était censée conserver précieusement pour un futur logement, je l'avais sincèrement remercié, un large sourire sur les lèvres. L'idée était en soi excellente. Nous avions clairement toutes deux besoin d'un véritable moment de relaxation, et pour ça, quoi de mieux qu'un spa ?

Après quelques échanges avec les parents, nous profitions de l'excuse parfaite de notre réservation pour partir sans traîner. Ce n'était pas bien loin et nous nous retrouvions rapidement dans le hall. « J’ai réservé le spa pour une heure et demi au nom de Arya Wellington » glissa Arya à la standardiste, qui releva la tête à ce nom, nous dévisageant sans retenue. Je lançais un sourire compatissant à Arya. Avec son réveil, la presse autour de l'accident avait repris, et la curiosité des gens s'était ravivée, peut-être encore plus fort que dans les semaines suivant l'accident. « Alors, prête pour un peu de détente ? » me demanda-t-elle alors que nous suivons la jeune femme vers les vestiaires. « Absolument, j'en ai désespérément besoin. » je lui répondis en indiquant - et surjouant - la tension dans mes épaules « Mais probablement pas autant que toi, après tout ce temps chez les parents » j'ajoutais d'un ton taquin. La standardiste nous laissa devant une pièce avec plusieurs cabines où se changer, clés des vestiaires en main. Peignoirs et chausses nous attendaient, une fois en tenue de bain. Une fois laissées seules, je lui demandais plus sérieusement : « Comment ça se passe à la maison ? ».

Alors que je lui demandais comment ça allait à la maison, elle me répondit avec un haussement d'épaules : « Oh tu sais, ils ne sont pas trop pénibles mais je suis quand même pressée de me retrouver un autre logement. Ils sont tout de même aux petits soins mais ils doivent sentir que j’ai de plus en plus besoin d’indépendance mais pour le moment c’est pas dit que je déménage. » Je posais une main rassurante sur son épaule. La réhabilitation n'avait pas été évidente et je ne pouvais que compatir à ce sentiment étrange quand on vit à la maison alors qu'on a la vingtaine bien tassée, ou la trentaine dans son cas, mais les années passées dans le coma comptaient-elles vraiment ? Elle devait tellement se sentir en décalage entre son esprit et son corps, et encore plus avec sa vie. Un logement à elle l'aiderait sûrement à reprendre le contrôle sur sa vie, qui lui avait échappé cinq ans plus tôt. « Avoir retrouvé un emploi est déjà un grand pas en avant. Laisse-toi le temps de prendre tes marques. Je ne doute pas une seconde que le reste suivra. » Je lui lançais un sourire doux, espérant que mes propos l'aidaient un peu. Difficile de savoir quoi conseiller sur une situation si particulière. Arya semblait presser de retrouver normale, les parents auraient aimé l'enfermer dans un cocon, et personnellement je ne savais plus vraiment comment me situer par rapport à elle. Elle avait toujours été tellement en confiance, semblant tout maîtriser, de son emploi à son fiancé parfait. Maintenant, elle était encore plus perdue que moi, et avec ces années perdues, il n'y avait presque plus de différence d'âge se faisant sentir entre nous, nos expériences de vie n'étaient plus si différentes, il ne nous manquait plus qu'à en partager. C'était l'occasion ou jamais de nouer un véritable lien et j'avais terriblement peur de passer à côté.  « Et tu sais que les parents seront toujours là si tu as besoin d'aide. Ils ont bien des défauts, mais si tu ne t'en sors pas tu sais très bien qu'ils te payeront tout ce dont tu as besoin. Tu n'as pas besoin de tout gérer toute seule. » On est là pour toi. Je ne le précisais pas à voix haute, mais c'était clairement dit entre les lignes, et j'espérais qu'elle le savait et le croyait au fond de son cœur. « Okay. », je reprenais avec une grande inspiration, « En attendant, on a un spa qui nous attend. Et une heure et demi pour oublier tout le reste. », je rappelais avec un sourire, espérant détendre un peu l'atmosphère qui avait viré bien trop sérieuse bien trop vite pour une après-midi de me time.